Alphonse Mellot

 
 


[Actualités] [Retour
  Cuisine & vins de France Mars 07
Les très riches heures de Sancerre

Depuis 40 ans, Sancerre fait sa star dans les bistrots. Les jeunes en raffolent, les quadras l’achètent, les autres en sont nostalgiques. Sancerre, c’est la petite robe noire à sortir en toute occasion...

Au coin des années 60, le curé Baudu, de Bué, délaissait parfois l’enseignement des Saintes Ecritures et transformait sans vergogne son presbytère en cellule de propagande pour le vin de Sancerre. Les enfants, après avoir ânonné les 10 commandements, compulsaient avec application les bottins que l’abbé leur distribuait, pour relever les adresses des notables parisiens et lancer ainsi les premières opérations de publi-postage patiemment sorties de la Roneo, plus habituée à livrer des cantiques que des tracts de réclame.


Des lendemains qui chantent

Le vignoble de Sancerre, agrandi après la guerre, commençait à donner ; pour survivre, les vignerons avisés devaient assurer le présent grâce à l’élevage des chèvres tout en construisant l’avenir sur le vin. André Dezat, le maire de Verdigny, n’avait alors qu’une quarantaine d’ares, et déjà une formidable envie de fédérer les villages de l’appel-lation, séparés les uns des autres par quelques rangs de vignes. Grâce au P’tit Dé – c’est ainsi que l’on appelait – et à quelques autres vignerons madrés, les lendemains du vignoble chanteront au rythme de la Sabotée sancerroise, la troupe folklorique qui esquissait la bourrée à trois temps au son de la vièle et de la cornemuse dans les foires et les galeries commerciales…

Au volant du Tube Citroën, des vignerons saltimbanques livraient dès potron-minet les bouteilles pleines de vin qu’ils laissaient dans la rue devant les portes closes des restaurants parisiens pour repasser, le soir, leur tournée achevée, récupérer les vides…

A cette époque, les Sancerrois de Paris, les expatriés, se retrouvaient au Sancerre, le restaurant de l’avenue Rapp créé par Alphonse Mellot, et, ragaillardis par une gorgée du pays, partaient dispenser à travers les zincs de la capitale la bonne parole du vin. Pendant toutes ces années où Sancerre avait le vin gai, les vignerons ont bâti sa réputation, conscients de la valeur unique des fondements naturels d’un vignoble par deux fois sauvé des eaux.


Les raisins du succès

A la fin du jurassique (-200 à -150 millions d’années), l’océan qui recouvrait la terre se retire, mais il revient au crétacé inférieur (-145 à -65 millions d’années) pour s’éloigner à nouveau, laissant en profondeur les touchantes traces de cette préhistoire bienfaitrice du sauvignon et du pinot noir : les raisins du succès. Des millions d’années plus tard, le désastre du phylloxéra n’en sera pas un pour les monts callipyges du Centre-Loire, car il aura permis d’unifier l’encépagement et fait de Sancerre le seul vignoble blanc à 100 % sauvignon. Respectueux du chemin tracé par leurs grands-parents, les jeunes tiennent le rythme, dépassant souvent leurs aînés. Brocardant quelques pinots nés sous de meilleurs Hospices : les fils Crochet, Reverdy, Vacheron, Mellot… produisent des cuvées de rouges à faire pâlir les vignerons de la Côte de Nuits.

Pourtant, si les augustins de Saint-Satur ont arpenté le vignoble, ils n’ont pas imaginé comme les cisterciens de Bourgogne une délimitation des différentes parcelles. Ils auraient pu. La géologie et les vallons aux différentes expositions y sont sinon similaires du moins parents. On y atteint parfois des prix stupéfiants. Vu sur la carte d’un Relais et Château, un sancerre à 110 E de Pascal Cotat, vigneron mondialement coté, lui aussi sidéré du prix marqué au coin d’une culbute outrancière du prestigieux établissement.


Une bien belle affiche

Le P’tit Dé a maintenant 40 hectares et deux fils aux commandes de la cave. Alphonse a passé le témoin à Junior qui ajoute cuves, vignes, barriques et de plus en plus de précision aux vins de l’édifice Mellot. Jean-Dominique et Jean-Laurent, les inséparables cousins Vacheron, n’ont rien à cacher, leur cave s’ouvre sur la rue, mais ils y sont rarement, préférant la vigne. Les frères Reverdy plantent 8 000 pieds à l’hectare sur la commune de Maimbray et enherbent leurs vignes.

A Montigny, les Natter, uniques vignerons de la commune, ne lâchent pas sur la qualité. Si François Crochet a quitté le rugby, c’est parce qu’il fallait choisir : “Etre deuxième ligne, c’est trop dangereux quand on a charge de vigne…” Quant à Vincent Pinard, il pousse Clément et Florent, ses fils, à projeter dans le temps leurs cuvées de garde.
Oui mais voilà, même si les sancerres sont des vins à vieillir, peu résistent à leur jeunesse. Et puis 2006 arrive, c’est comme 2005… taille XXL : “Les vendanges étaient si saines que les hommes s’endormaient à la table de tri".
Dans le département du Cher, sur la rive gauche de la Loire, le vignoble de Sancerre forme une île de 15 kilomètres sur 10 kilomètres, au relief vallonné, flanquée au sud d’un îlot : Montigny. Quatre cents vignerons se partagent 2700 hectares sur 14 communes.

Trois types de sols composent le vignoble :
Les caillottes (40 % du vignoble) aux éclats de calcaires blancs, compactes et dures, pour des vins tendres ; les silex, terres argilo-siliceuses, les plus jeunes du Sancerrois, produisent des vins taillés pour la garde ; enfin, les terres blanches (40 % du vignoble), constituées de marnes du kimméridgien datant du jurassique avec des coquillages fossilisés, pour des vins au remarquable potentiel de vieillissement.

Seules les parties moyennes et hautes des coteaux accueillent les vignes qui profitent d’un ensoleillement différent suivant l’exposition des vallons. Ainsi, suivant le sol, le sous-sol et l’inclinaison, les vignerons peuvent assembler des jus différents.

Deux cépages :
Le sauvignon pour les blancs (75 %) et le pinot noir pour les rouges (20 %) ou les rosés (5 %).

Karine Valentin




[Imprimer]


 
Haut de page






Vinternet